La question qui tue

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Témoignage par Myriam 

Dès tes premières gouttes d’alcool et ton premier joint, tu savais au fond de toi que t’allais entretenir une relation particulière avec ces deux-là.

Il nous arrive tous un moment dans notre vie où l’on se questionne sur la relation qu’on entretient avec l’alcool. Ça doit commencer quelque part, ce questionnement. En fait, c’est faux : ce n’est pas tout le monde qui se questionne sur le sujet, parce que quand les substances ne jouent pas un rôle principal dans notre vie, on ne se la pose pas cette question-là. Et toi, cette fameuse question en lien avec ta relation avec l’alcool, tu vas te la poser pendant des années.

Dès tes premières gouttes d’alcool et ton premier joint, tu savais au fond de toi que t’allais entretenir une relation particulière avec ces deux-là. Au début, c’était subtile, mais quand est arrivé la mi-vingtaine et que t’as réalisé que t’étais encore dans le même mode de vie depuis dix ans, ça a commencé à fesser fort. À 24 ans, entre un mal de tête et une haleine de fond de tonne, ton copain et toi avez vu apparaître deux petites lignes roses sur le bâton de la vie. D’un côté, ça a été pour vous la plus belle des nouvelles, mais de l’autre, pour l’anxieuse non assumée que t’étais; le début de la descente aux enfers pour toi et TES dépendances.

L’anxiété prend tellement de place dans ta vie, que tu t’allumes un joint aussi fréquemment qu’une cigarette mais non…tout va bien.

Et boom! Neuf mois sans alcool…facile !!!! T’EN N’AS PAS DE PROBLÈME !!!

Ton nouveau rôle de future maman te tient tellement à cœur que tu passes à travers, tu trouves ça dur, mais tu y arrives. Par contre, seulement quelques jours après l’arrivée de la petite boulette, tu laisses déjà ton garçon et ton copain derrière jusqu’à 3h du matin, parce que t’as le droit de consommer t’sais! T’es maman maintenant et il te faut des moments pour toi, pour décompresser.

Ben oui, celle-là tu vas te la répéter des milliers de fois, pendant quatre ans, pour tenter de te déculpabiliser. L’anxiété prend tellement de place dans ta vie, que tu t’allumes un joint aussi fréquemment qu’une cigarette mais non… tout va bien. C’est juste une passe. Tu crois sincèrement que c’est juste une passe, parce que oui, au début ça t’apporte ‘’du bon’’. Ça t’aide à la maison, pour la gestion de ta colère, de ton impatience et aussi à te mettre un sourire dans le visage pour un très court instant. Et surtout, ça t’aide à parler à des gens et penser que t’as l’air normal. Tout le monde sait que c’est un cercle vicieux tout ça. La maternité pour toi, c’est gros. C’est un bon mixte de bonnes et mauvaises émotions combinées et la dépendance à l’alcool et au cannabis ne vont qu’augmenter cette énorme pression sociale là que t’as toujours eue, que tu t’es toujours imposée. Rappelle-toi de ton estime des quatre dernières années.

Et la question qui tue : “Est-ce que j’ai un trouble  de dépendance?’’

La vérité est que tu ne te poses plus la question depuis longtemps déjà, parce qu’il n’y en a plus de questions à poser. C’est clair dans ta tête. Le bas fond, comme ils disent, tu l’as touché souvent. Trop souvent. Tu vas chercher l’aide d’une psy parce que tu penses qu’en apprenant à gérer ton anxiété, tu vas pouvoir gérer tes consommations en même temps. Mais comme t’es naïve… Plus la thérapie avance, plus la voie de la sobriété te travaille et te fait de l’oeil. Autant que ça t’intrigue, autant tu sais que tu vas devoir la prendre cette voie-là un jour ou l’autre si tu veux un réel changement dans ta vie. Si tu ne veux pas tout perdre.

Quand t’as besoin d’une substance quelconque pour t’aider à passer à travers tes journées, à quelque part, y’a une petite cloche qui finit par sonner. La tienne va sonner longtemps en maudit, mais ton désir de changer est devenu tellement puissant, que le matin du 16 mai 2021, dès ton réveil, tu vas avoir un déclic pas comme les autres. Les émotions que tu vas vivre ce jour-là vont tellement te terroriser que tu vas en faire un ancrage et te rappeler chaque jour pourquoi tu as fait le choix d’être abstinente. Pourquoi tu choisis la voie de la sobriété…

Ça ne s’arrête pas là, mais c’est ton ‘’début de la fin’’, à toi…Et la beauté dans tout ça, c’est que tu sais que tu es capable. Tu as quand même mis un enfant au monde…