100 jours de sobriété

Partagez

Témoignage anonyme

Mon histoire est un copier-coller de la rengaine habituelle. J’ai pas mal consommé et souvent abusé. Un peu beaucoup de tout, mais surtout d’alcool.

Bientôt 100 jours de sobriété.

J’ai le goût de me raconter parce que je lis souvent des témoignages et m’en inspire. Je les utilise comme des lianes qui me permettent de cheminer vers l’avant. Je dépose donc ce témoignage sans prétention comme une liane. S’y accrocheront ceux qui le voudront.

Personnellement, ça me permet aussi de faire un autre bond vers mon mieux-être; moi qui ai si longtemps tourné en rond.

Mon histoire est un copier-coller de la rengaine habituelle. J’ai pas mal consommé et souvent abusé. Un peu beaucoup de tout, mais surtout d’alcool. Par chance (ou malchance) les autres drogues ont eu moins d’emprise sur moi, mais elles ont forcément laissées quelques traces. Parce que tout ce que l’on ingurgite a forcément un impact, de même que tout ce que l’on projette vers les autres d’ailleurs.

Malgré plusieurs souvenirs festifs et délicieux, voire extatiques, me reviennent principalement en mémoire des moments peu reluisants. Etant maintenant débarrassé de mes œillères toxicologiques, je commence à comprendre que certains de ces moments de galère ont causés des brèches dans quelques relations. Surtout dans ma relation avec moi-même en fait. Mais bon, je ne suis pas encore prêt à creuser de ce côté du jardin. Dans quelques lianes peut-être.

Par contre, avec le recul je réalise clairement que l’abus (de plus en plus difficile à définir avec le temps) ou plutôt ma consommation soutenue m’ont confinés dans les recoins les moins honorables de ma personnalité, tout en me dépouillant tranquillement de mes outils individuels et relationnels.

J’ai l’impression d’avoir soumis mon jugement et mon honneur à une désensibilisation graduelle. Chaque gorgée devenait une atteinte, quasi homéopathique, à ma dignité qui s’effritait tout doucement.  C’est comme si, initialement, je possédais un immense glacier de dignité qui s’est mis à fondre sans que je ne m’en préoccupe vraiment.

Je me répétais que demain, c’est promis, je corrige le tir et je prends soin de tout ça. Mais quand on est socialement fonctionnel, on s’accommode naïvement de sa consommation aussi nocive soit-elle.

Je me suis joué des tours, je me suis bluffé moi-même en espérant gagner en mieux-être comme on gagne à la loterie, sans effort ni engagement. Au final, ma poker face n’a mystifiée que moi-même.

Demain est devenu la semaine prochaine qui est devenue le mois suivant qui s’est transformé en l’année suivante qui s’est mutée en : Ben voyons donc, pourquoi je changerais, c’est pas si pire que ça.  En milieu de travail, on appelle ça la résistance au changement.

Je me suis joué des tours, je me suis bluffé moi-même en espérant gagner en mieux-être comme on gagne à la loterie, sans effort ni engagement. Au final, ma poker face n’a mystifiée que moi-même.

Mais puisqu’il n’est jamais trop tard, j’ai décidé il y’a maintenant 100 jours de prendre soin de mon climat intérieur et de contribuer à préservation de ma montagne de dignité.

Comme plusieurs, je justifiais mes consommations en répétant que tous reconnaissaient et saluaient mon intensité festive et donc qu’ils avaient également accès au « vrai moi », ce qui leur permettait de ne pas faire trop de cas de mes petites écartades. Après tout, tout le monde s’éclate et dérape de temps en temps, non ?

Eh ben non.

Non.

Non non non, tout le monde ne fait pas ça. Mais penser autrement m’aurait été trop confrontant.

Habitué à des pauses régulières, de 7 à 30 jours et lors de mes périodes de garde avec les enfants, je me donnais bonne conscience. Ces moments me permettaient de me convaincre que ma consommation n’était pas aussi problématique qu’un tel et une telle, et ce, malgré les excès subséquents.

C’est sûr que si tu te compares à Kurt Cobain ou Amy Winehouse, tu as l’air d’un ange, même à quatre pattes en train de vomir dans la toilette d’un bar douteux avec le cœur qui s’emballe à cause d’un speed de trop.

Par chance, je ressens un besoin intérieur et viscéral de maintenir ma sobriété.

Pas parce que je traverse une crise, pas parce que j’ai fait une grosse gaffe, pas parce que mon entourage s’inquiète, pas parce que je suis coincé. Simplement parce que ma #soberlife, comme je l’appelle, se révèle à moi comme étant de plus en plus précieuse, de plus en plus enveloppante. Comme un amour que l’on tient réellement à préserver parce qu’on le sait et le sent d’exception.

Le ressenti, je le ressens justement de mieux en mieux. C’est particulier de se sentir après s’être subtilement engourdi.

En plus, je sais fort bien que si je n’ai subi aucune conséquence majeure jusqu’à présent, ce n’est qu’une question de temps. Puisque je l’ai évitée pendant plusieurs années, d’un point de vue purement statistique, je me rapproche continuellement de la catastrophe. Je préfère changer de trajectoire.

Être satisfait au quotidien; quelle richesse pour l’éternel insatisfait que j’étais.

Mon bilan est que ces 100 jours ont été plutôt légers et cristallins.

Pas forcément plus faciles, plus joyeux et encore moins miraculeux. Mais clairement plus satisfaisants. Être satisfait au quotidien; quelle richesse pour l’éternel insatisfait que j’étais.

J’ai passé de supers moments individuels, de couple, familiaux, amicaux et professionnels qui ont été plus nourrissants parce que mieux ingérés et mieux savourés. La digestion n’en est forcément que plus fonctionnelle.

J’en ai aussi traversé de pas mal moins bons. Y’a pas de magie dans la sobriété. Mais ces moments ont été moins tranchants, moins préoccupants et moins persistants.

Surtout, j’ai l’impression d’avoir perdu le réflexe archaïque de vouloir boire pour tout et pour rien, tout en réalisant que ça me maintenait dans un subtil brouillard. Et c’est pas parce que c’est subtil que c’est moins pire.

J’ai de petites et éphémères envies de consommer, mais j’ai surtout l’impression qu’un réflexe visant à prendre soin de moi se développe.

Je ne vois pas ma sobriété comme un pénible combat contre un vilain poison. Je la vois plutôt comme une quête d’épanouissement et d’assainissement. Je ne vois pas non plus de valeur ajoutée, pour moi, à ingurgiter de l’alcool. Je sais maintenant que j’ai beaucoup plus de plaisir sans alcool et ça c’est une sacrée révélation, insoupçonnée, que j’aurais aimé avoir il y a 20 ans.