Suicide: apprendre à lire entre les lignes

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Témoignage par C.M.G 

Vivre la médaille et son envers

BellCause, Soberlab & Santé mentale

C’est clair que si nous avions su, nous aurions fait plus. Pourtant, rare sont ceux et celles qui savent déceler les petites pointes qui sont lancées dans ces moments de souffrances.

Les gens sont là pour la cause. On est tous pour la cause, nous partageons tous les numéros d’aide, nous voulons tous sauver la vie des personnes qui nous sont chers.

Mais quand ça arrive, qu’une personne y pense vraiment…On est là, mais pas vraiment là non plus.

On pense que ça va aller mieux et on prend ça comme ça, sans penser plus loin. On l’écoute sincèrement sur le moment présent, avec amour. Comme n’importe qui le ferait avec les proches qu’ils aiment. Les gens écoutent avec le temps qu’ils ont et les soucis qui tracassent leurs propres esprits. Très peu ont appris à écouter. Je veux dire, écouter vraiment. Entendre plus loin, entre les lignes. Oui, y’a des “entres lignes” lorsqu’une personne est en détresse.

Les gens ont peu tendance à se rendre compte que ce geste irréparable est possible de se produire chez leurs proches. Ça n’arrive qu’aux autres, vraiment? Même si la personne répète que “ça ne va pas super, mais ça va finir par passer” On veut le croire.

L’affaire, c’est que quand on parle de suicide, les suicidaires ne crient jamais “au loup”, sans y croire. Ils crient à l’aide chaque fois, jusqu’à ce qu’ils n’y croient plus.

C’est clair que si nous avions su, nous aurions fait plus. Pourtant, rare sont ceux et celles qui savent déceler les petites pointes qui sont lancées dans ces moments de souffrance. Elle sons si subtiles. Elles sont aussi tellement évidentes pour la personne qui les envoie, mais vraisemblablement pas assez pour ceux qui les reçoivent.

Et la personne va en lancer, des pointes. Elle va essayer de faire comprendre qu’elle ne se sent pas bien, peut-être même partager ou feindre des symptômes les plus connus pour susciter les réactions espérées, juste pour être entendu. Pas par manipulation, mais par incapacité de demander de l’aide autrement. Par manque d’énergie, de courage, pour être certain de ne pas déranger, de paraître vulnérable ou d’être trop lourd aux yeux des autres. Pour une personne en santé, “ça devient lourd” une personne qui ne dit pas ce qui se passe. Une personne qui est toujours découragée, mais pas assez pour mourir.

Comment on fait pour aider une personne atteinte du mal de vivre? Quand elle s’approche du gouffre pour de vrai?

“T’sais! Si c’était plus clair qu’elle a besoin d’aide, si c’était plus clair qu’elle allait passer à l’acte, on l’aiderait… Mais sinon… “c’est tannant”… On apprend que cette personne qui ne va pas bien est finalement aller au CLSC finalement, et on espère qu’elle va être correcte. Elle nous apprend qu’elle prend de la médication, alors on se dit que cette passe va finir par passer. 

MAIS NON! C’est TOUJOURS à prendre au sérieux. La fois où nous n’agissons pas, c’est la fois qu’on échappe. Et malheureusement, c’est toujours elle qu’on échappe.

Comment on fait pour aider une personne atteinte du mal de vivre? Quand elle s’approche du gouffre pour de vrai? Voici quelques idées : 

  • C’est de traverser son inconfort ou le malaise ressenti devant le sujet, et d’oser l’aborder sérieusement avec la personne.
  • C’est de lui donner du temps, de l’empathie, de l’écoute. Et oui, de lui trouver l’aide nécessaire.
  • C’est de lui poser les vrais questions, (la vraie question) et de ne pas juste “entendre” les réponses.
  • C’est d’essayer de déceler dans son non-verbal sa sincérité ou ses messages cachés. C’est essayer de saisir le oui du non.

Oui, on a tous nos vie et l’écoute active entre nos propres “bibittes” et celles des autres, c’est difficile. Sauf que quand un geste comme le suicide est commis, ce n’est pas nos préoccupations du moment qui prennent le bord, c‘est une partie de notre cœur et de notre âme qui cassent à tout jamais. C’est irréparable, de part et d’autre. 

Dans ces moments-là, parfois je me suis dit : « les gens devraient me surveiller, voir, réaliser, me prendre par la main.» Comme une victime? Non, je dirais plutôt comme un enfant.

Pour être honnête, je vois toutes les pointes qu’on m’a lancées au cours de ma vie, tous les signes qu’on m’a donné à l’approche de commettre ce geste tragique. Le problème, c’est que comme plusieurs, je les ai toujours vus, après.. Et oui, je suis humaine et j’ai du apprendre à la dure. Ça ressemblait à des gestes aussi banals que ceux-ci, provenant de ma réalité, mais qui sont si lourds de sens à la fois et c’est pourquoi je veux les partager…Il y a eu la voisine qui m’a apporté son pot de confiture neuf en me disant: “je ne le mangerai pas finalement.” L’ami qui m’a dit: “je ne ferai pas ce geste, juste pour ne pas détruire ma famille.” Par contre, j’ai compris que trop de souffrance rattrape ce genre de décisions tôt ou tard. Un mois? Un an plus tard avant de passer à l’acte? Il y a eu ce dernier câlin tellement ressentie, vibrant, particulier. Le genre de câlin qui donne une drôle de sensation, mais qu’une fois la sensation retombée, on ne s’y attarde plus. Et cet autre ami, qui ne cesse de m’expliquer passionnément les fondements d’une vie épanouie, entre quelques brosses et des départs émotifs précipités. Et finalement. il y a eu cette femme que je connais si peu, avec qui j’avais un attachement moins profond, mais qui s’ouvre à moi. Cette femme qui crie au loup pour la 15e fois, me faisant sentir comme un être manipulable. Cette femme que je ne crois plus et que je m’épuise à relever, encore et encore alors que tous les gens me disent qu’elle a toujours fait cela depuis des décennies. J’ai vu les pointes qu’ils et elles m’ont lancée. Trop tard. 

Et puis, il y a moi, qui aurait eu besoin de gens dans des moments vulnérables. Et ce sont pourtant dans ces moments où  je me serais sentie le plus démunie. Une affaire de perception? Probablement. La vérité c’est que la détresse isole et qu’on vient qu’à ne plus avoir envie de de demander de l’aide.  Dans ces moments-là, parfois je me suis dit : « les gens devraient me surveiller, voir, réaliser, me prendre par la main. » Comme une victime? Non, je dirais plutôt comme un enfant. Quand tout le psychologique est vulnérable, tout ce qu’on veut, c’est de donner un peu la charge de tout notre poids de vie. Et j’entends ce discours dans ma tête du genre : “Ils ne comprennent pas que j’ai besoin là et pas demain? Que je me sens seule là? Que j’ai mal là? J’ai dis que je ne vais pas si bien pourtant.” En ajoutant toujours “Ça va passer.” 

Le suicide est quelque chose de moins tabou dans la société, mais l’inévitable persiste encore de nos jours. Et si les actions à prendre allaient beaucoup plus loin qu’un numéro de téléphone en cas détresse? Oui, dans les moments présents, heureusement, l’aide est présente. Plus loin, je veux dire comme… dans l’enfance ?

L’apprentissage de l’écoute active, les émotions, la parole, l’expression de soi, l’empathie, l’entraide, la méditation, l’arrêt de l’intimidation, le langage non-verbale. T’sais, entre un cours de français et de maths? L’intellect est-il plus important que la santé mentale ?

La santé mentale, c’est à prendre au sérieux, toujours. On ne peut pas sauver tout le monde, mais tout le monde peut apprendre à sauver un proche.