Se comprendre pour se libérer

Partagez

Texte par Lune 

À 19 ans, j’étais mal dans ma peau, je ne me connaissais pas encore bien, je ne comprenais pas comment «mon monde intérieur» fonctionnait.

J’aimerais être capable de vous dire ce que j’aurais aimé lire ou entendre avant d’entrer dans un six ans de consommation de cannabis. Mais je sais très bien qu’on fait nos choix seul, en sachant très bien que notre petit ange nous dit que cela pourrait mal finir, alors que notre petit démon intrépide nous dit de profiter de la vie, que tout le monde le fait, que c’est pas si grave, que ça n’a pas de conséquences graves, qu’on va bien «quand même.» On ne se rend pas compte de ce qu’on devient tant qu’on n’essaye pas d’arrêter, et qu’on réalise qu’on a besoin d’une béquille qui nous permet de nous endurer; d’endurer nos souffrances, nos pensées anxieuses, ou peu importe ce qui nous hante.

Mes deux parents sont anxieux. Avec mon père alcoolique et ma mère qui buvait pour «relaxer» la fin de semaine, c’était un réflexe pour moi de boire quand quelque chose n’allait pas. Parce que se retrouver face à soi-même, prendre le temps de digérer nos émotions et de se comprendre, ça demande un effort qui nous paraît parfois trop long. Je n’entrerai pas dans les détails, mais je sais que j’ai été tourmentée pendant une grande partie de ma vie, surtout adolescente et au début de l’âge adulte. Je ne comprenais pas ce qui se passait avec moi, j’avais tout pour être heureuse et pourtant je ne l’étais pas, je me faisais du soucis avec tout. J’étais tendue, impulsive, parfois colérique, je cherchais des «bobos» où il n’y en avait pas, incapable de lâcher prise. À 19 ans, j’étais mal dans ma peau, je ne me connaissais pas encore bien, je ne comprenais pas comment «mon monde intérieur» fonctionnait. Surtout, je ne savais pas ce qu’était réellement l’anxiété. J’ai longtemps cru que j’étais juste négative des fois…

Un mois, c’est encore trop court pour se laisser la chance de se comprendre quand ça fait des années que tu gèles tes émotions.

Moi mon plus gros problème, c’était le cannabis. À 20 ans, je suis allée dans l’Ouest et j’ai tombé là-dessus. J’ai tout de suite compris que ça me détendait instantanément, que je m’encrais dans le moment présent et que je profitais plus. Je m’aimais mieux relaxe et légère que tourmentée. Mes moments de détente passaient par ça, j’étais «mieux» gelée. Et puis voilà, j’ai fumé beaucoup pendant six ans. Chaque fois que j’essayais d’arrêter, ça durait deux jours maximum. Je me suis mise la tête dans le sable jusqu’à temps que je vive des épreuves importantes qui m’auraient demandé d’être à jeun pour prendre des bonnes décisions et voir plus clair, mais je n’étais pas capable. J’ai bien vu que j’avais un problème. Les quelques fois que j’ai arrêté, ça durait un mois, et mon Dieu que je dormais mal. J’étais anxieuse et complètement épuisée, donc je recommençais pour être capable de me reposer, sinon ma tête ne me lâchait pas. À ce moment-là, je ne comprenais toujours pas ce que l’anxiété me faisait. Un mois, c’est encore trop court pour se laisser la chance de se comprendre quand ça fait des années que tu gèles tes émotions. C’est en lisant des témoignages et en écoutant des vidéos que j’ai réalisé que j’avais un fond anxieux. Si tu te poses des questions sur ta santé mentale, informe-toi, ça pourrait sûrement t’éclairer.

Vous savez que ce genre de cheminement peut être long, chacun le sien. Mon moment clé a été la rencontre de mon amoureux. Je me sentais complètement emprisonnée dans ce problème, mes pensées étaient beaucoup trop concentrées sur le prochain moment de «détente» que j’allais avoir, c’était devenue une obsession. Et quand j’étais avec lui, c’était bien trop présent, je n’étais pas complètement là. J’étais tannée d’être prise avec ça, je voulais choisir une meilleure vie pour moi. Je savais que c’était assez, parce que la vérité c’est que d’avoir toujours hâte d’arriver le soir pour fumer son joint ou boire sa bière, ce n’est pas ce qu’on appelle la liberté…

Le sentiment de fierté de m’être enfin choisie, d’avoir une vie à moi, c’est indescriptible. Oui, j’ai rechuté trois fois après deux mois d’arrêt, mais c’était toujours de moins en moins satisfaisant. Je sais aujourd’hui que je ne retournerai plus jamais dans cette prison, j’étais tellement «prise», je pensais que je n’allais jamais être capable de me calmer par moi-même. Quand on «capote», qu’on a l’anxiété dans le piton, qu’on est à un appel ou un trajet de bus d’aller consommer, il faut fermer les yeux, prendre trois respirations et se rappeler pourquoi on a voulu arrêter. Se dire que ce moment d’inconfort va finir par passer, et qu’au fil du temps, les craving deviendront de plus en plus courts jusqu’à temps de disparaître.

Le jour où j’ai parlé ouvertement à mon chum que ça me faisait peur d’arrêter, j’étais déjà plus légère. Il faut en parler! 

Tu vas en avoir des nuits difficiles, des journées où tu seras «à bout», et tu en auras peut-être beaucoup! Mais ça en vaut la peine, tu es capable de surmonter ça. Il faut se laisser le temps de réapprendre à vivre sans  «béquille», et surtout d’en parler. Le jour où j’ai parlé ouvertement à mon chum que ça me faisait peur d’arrêter, j’étais déjà plus légère. Il faut en parler! Je sais très bien que si je l’avais dis à quelqu’un la journée où je voulais fumer, ça m’aurait enlevé un poids. Mais j’ai tendance à me renfermer dans ce temps-là…Je travaille là-dessus. Mais si tu rechutes, regarde tes réussites, observe ton cheminement sans t’en vouloir, tu es déjà plus près de la sobriété qu’avant.

Être en contact avec mes émotions pour la première fois depuis trop longtemps, c’est vrai que c’est beaucoup à gérer et c’est fatiguant. Deux mois, c’est court comparé à six ans de consommation. J’apprends à être patiente envers moi, à m’offrir plus de douceur. Et toi aussi, tu peux le faire. Regarde-toi comme si tu te regardais par la fenêtre ou comme si tu voyais ton meilleur ami. Voudrais-tu que ton meilleur ami soit malheureux au point de consommer pour tout oublier? Donne-toi l’espace pour vivre tes émotions, digère-les et passe à autre chose, au lieu de les fuir. Donne-toi le droit d’être l’humain que tu es. Tu as du temps pour accueillir tout ça. Respire.