Vivre ma vie, maintenant.

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Témoignage par Vanessa Larose-Desjardins

Tant de choses essayées, mais aussi tant de choses refusées dont je suis fière et surtout rassurée de ne pas avoir essayé, cela aurait pu mal virer pour moi.

Je fête mes trois ans de sobriété. Lire le livre d’Eliane Gagnon m’a donné envie de partager mon histoire et m’a rappelé à quel point j’avais envie d’aider d’autres personnes à s’en sortir.

En commençant, je n’ai rien vécu de pire ou de mieux que toi. Nous avons tous notre propre histoire, voici la mienne:

Enfant, j’étais une petite fille qui voulait avoir de bonnes notes pour plaire à ma mère et plaire aux professeurs. Je voulais être la meilleure et ça, ça a dû taper sur les nerfs des autres enfants. Ça m’a value  d’être la risée de tous. On m’intimidait, je n’avais pas d’amies ou très peu. J’avais une faible estime de moi, j’étais introvertie et timide. Mes passe-temps, même très jeune, était de lire les plus gros livres dans la garde-robe de ma mère, de faire des desserts, parce que je voulais être aussi bonne qu’elle, ou de jouer seule aux poupées. Quand lire « les Filles de Caleb » te semble la meilleure activité pendant que les autres enfants jouent dehors, ça te donne une idée.

Quand ce fut le temps du secondaire, je n’avais plus envie de me cacher, de détester les récréations et d’être une élève douée. Je ne faisais aucun devoir, aucune étude. Je cherchais à me faire accepter et j’aurais tout fait pour trouver le sentiment d’appartenance tant recherché. C’est là que les essais ont commencé. Tant de choses essayées, mais aussi tant de choses refusées dont je suis fière et surtout rassurée de ne pas avoir essayé, cela aurait pu mal virer pour moi.
Il y a des essais qui ne se sont pas répétés tout comme il y a des essais qui se sont éternisés.

D’abord le tabac, à l’âge de 13-14 ans, on fumait des cigarillos à saveur de fruit qui se sont vite transformés en cigarettes. Je sentais que la cigarette contrôlait ma vie. Je me réveillais avec elle et je poursuivais la journée en sa compagnie jusqu’au couché. Lorsque je compris qu’aucune action ne commençait ou ne finissait par cette bonne bouffée de toxicité, s’en était trop pour moi et j’y mis un terme rapidement, vers l’âge de 19 ans.

Plus je buvais, plus je m’enfonçais avec des amis tout aussi inconscients que moi. J’essayais de suivre les autres, de boire autant que les autres, d’avoir des chums comme les autres, de me faire aimer comme les autres.

Ensuite, pour l’alcool ce fut beaucoup plus long, mais surtout plus subtile et plus dévastateur. Toujours vers l’âge de 13-14 ans, cela a commencé en cachette. Contrairement au tabac, où s’est fait dans le but d’être “cool”, d’être comme ta gang, l’alcool amène un tout autre aspect.  Le feeling d’être plus décontractée et de pouvoir approcher plus facilement les gens. Enfin, ce que je détestais chez moi disparaissait, j’avais l’impression de me faire accepter enfin par les autres. Ce que je ne savais pas à ce moment, c’est que l’important c’est de s’accepter soi-même. Plus je buvais, plus je m’enfonçais avec des amis tout aussi inconscients que moi. J’essayais de suivre les autres, de boire autant que les autres, d’avoir des chums comme les autres, de me faire aimer comme les autres. J’ai eu plusieurs accidents, dont deux accidents graves en onze mois d’intervalles, parce que j’étais inconsciente et que j’avais des amis inconscients. Quand tu te ramasses à l’hôpital, c’est là que tu te rends compte que les chums de brosse, ils ne sont pas souvent là, à tes chevets à l’hôpital.

Quand tu le vis, tu ne te rends pas compte à quel point tu te fais mal, à quel point tu fais mal à ton entourage. Inconsciemment, tu le sais, puisque c’est pourquoi tu recommenceras à boire le lendemain. La honte s’accumule et la honte c’est dur pour l’âme. À des moments, tu penses à ce que tu as fait ou que tu n’as pas fait. Ça fait mal. La petite fille timide qui veut passer inaperçue n’est pas toujours fière de ce qu’elle a fait la veille, parce qu’une fois dégrisée, c’est elle qui reprend sa place.

Ça m’aura pris du temps, plus de 11 ans, pour ne rendre à l’évidence, mais comme on dit, mieux vaut tard que jamais. J’ai changé ma vie, j’ai changé d’amis, j’ai viré ma vie à l’envers, de toute façon, je l’avais déjà si souvent mis à l’envers que la brasser un peu ne lui fit pas de tort.

Je m’entoure des gens qui m’aiment vraiment, qui ont été là pour moi, quand j’en avais le plus besoin, et pour cela, je les remercie et je sais la chance que j’ai de les avoir.

L’alcool fait partie de notre culture, de nos habitudes, mais c’est temporel. Il n’y a pas si longtemps, c’était prohibé et puis, on la légalisait tranquillement, tout comme la légalisation de la marijuana actuellement. Est-ce que je pense qu’on devrait l’interdire ? Non, mais je pense qu’on a une responsabilité sociale autre que de monopoliser la vente pour en avoir le contrôle monétaire.

On me demande parfois comment j’ai pu arrêter certaines de mes dépendances aussi drastiquement. À ceci, je réponds souvent que c’est majoritairement une question de volonté, le fameux dicton : « quand on veut, on peut » est bien réel. Ce ne sont pas les facteurs externes qui feront la différence entre une réussite ou un échec, mais bien ce que ce que tu veux vraiment, toi, au fond de toi. J’entends parfois des gens dirent ; j’arrêterai quand j’aurai un enfant, ou quand il y aura si, ou ça. Cela pourra peut-être fonctionner avec un mélange de volonté, mais généralement, c’est une excuse comme une autre pour repousser notre sobriété.

Maintenant, j’essaie de ne pas vivre dans le passé, je ne peux pas oublier d’où je viens, mais j’essaie d’aller de l’avant. Me taper sur la tête comme je le faisais auparavant ne servirait à rien. Un jour, j’aurai des enfants qui deviendront des adolescents et je pourrai comprendre ce qu’ils traverseront. Pour le moment, je suis plus en forme que jamais, autant psychologiquement que physiquement. Je n’ai plus besoin de relations malsaines. Je m’entoure des gens qui m’aiment vraiment, qui ont été là pour moi, quand j’en avais le plus besoin, et pour cela, je les remercie et je sais la chance que j’ai de les avoir. Je ne peux pas m’imaginer être rendue où je suis si j’avais continué de négliger ainsi ma vie. Depuis trois ans, j’ai repris ma vie en main. J’achève mes études universitaires de deuxième cycle et je ferai partie d’un Ordre professionnel. Je peux à présent vivre ma vie et dire que je suis fière de moi.