Enfin libre

Partagez

Texte par Philippe Boucher

Mais en même temps, le toxicomane qui s’ignore se pose toujours la question : pourquoi pas?  Je vais l’essayer une fois… juste une.

Se remettre en question, c’est bien.  S’assumer, c’est mieux.

 

Le 14 mai, j’ai eu l’honneur de participer à l’annonce du nouveau programme québécois de traitement de la toxicomanie sous surveillance judiciaire (PTTCQ) aux côtés de la ministre de la Justice et de la Juge en chef de la Cour du Québec.   Je vais vous dire pourquoi.

 

Il y a 4 ans, jour pour jour le 14 mai dernier, je consommais de la drogue pour la première fois de ma vie. Suite à une dispute conjugale qui devenait de plus en plus nombreuses, j’avais pris la poudre (c’est le cas de le dire) d’escampette pour downtown Gatineau et son bar le plus populaire.  Maudit que je me sentais bien là-bas!  L’amour en conserve que l’on ouvrait au gré de la baisse d’estime de soi.  Des gens qui nous sourient de façon « fake », le paradis artificiel.  Depuis des mois, un « tannant » de l’endroit me suggérait toujours de la coke.  J’ai toujours dit non comme on me l’a appris depuis mon adolescence.  Pour vous dire, je n’avais même jamais pris de drogue!  Le pot?  Je me suis étouffé et j’ai été malade à 21 ans.  Les autres drogues?  Non merci!

 

De la coke…  mon cerveau s’est alors mis à réfléchir.  Pourquoi pas?  C’est simple pourtant grand innocent!  Tu as travaillé pour un chef politique et ça ruiné sa carrière!  Tu en veux d’autres exemples?  Ça failli coûter la Coupe du Monde au Canada à cause de l’absence de Pierre Lambert emprisonné en URSS dans Lance et Compte II!  Maudite Macha Grenon!  Mais en même temps, le toxicomane qui s’ignore se pose toujours la question : pourquoi pas?  Je vais l’essayer une fois… juste une.

 

J’ai toujours dit non comme on me l’a appris depuis mon adolescence.  Pour vous dire, je n’avais même jamais pris de drogue!  Le pot?  Je me suis étouffé et j’ai été malade à 21 ans.  Les autres drogues?  Non merci! 

 

Boum!  Plus aucun problème d’estime de soi!  On oublie les accusations de conduite avec les facultés affaiblies, on oublie les chicanes de couple, on oublie le jugement de tes patrons et de tes proches.  La potion magique du vide!  Juste une fois?  Bof, une autre fois ça jamais tué personne!  Le cercle perpétuel est enclenché.  Ta vie vient de basculer et tu vas l’apprendre que plusieurs mois plus tard.

 

Plus rien.  Rien pantoute.  Pu de char, pu de maison, pu de famille…  Ta fille de 7 ans qui te juge alors car elle voit bien que tu n’es plus toi-même, le papa enjoué qui a occupé son quotidien chaque jour.  Alors pour oublier ces nouvelles blessures qui s’ajoutent à celles déjà existantes, tu continues à t’enfoncer.  Encore et encore.  Ensuite vient d’autres accusations, tes amis qui te regardent avec un mélange de pitié et de dégoût, ta sœur, ta mère et tout le monde que tu essaies de manipuler pour avoir quelques sous pour continuer à consommer.

 

4 ans plus tard, jour pour jour, j’étais debout à côtés de la Ministre de la Justice, ministère qui m’a condamné deux fois à la prison, et la Juge en Chef de la Cour du Québec, qui est la patronne de celui qui m’a jugé pour des crimes contre notre société.  Elle posait fièrement à mes côtés.  Jamais je n’aurais cru ça possible il y a même six mois.  J’étais à leurs côtés, souriant tout comme elles, et la ministre dit ceci : « Philippe, je me permets de t’appeler Philippe car on vient de la même région.  Je sais que ce fût extrêmement difficile pour toi car tu as vécu le tout sous les projecteurs mais ça prend du courage pour venir ici et te tenir debout pour avouer ta faiblesse.  Bravo. ».  Les mots résonnent encore dans ma tête comme un moment déterminant dans ma vie.  4 ans plus tôt, je débutais la descente aux enfers.  Le 4 mai 2018, je m’assumais publiquement.  Je suis un toxicomane qui a failli détruire sa vie.  Je suis un homme  vulnérable qui pleure parfois et qui aime de tout son cœur.  C’est la leçon que je retiens.  Nous sommes les seuls artisans de notre bonheur ou de notre malheur.

Le 4 mai 2018, je m’assumais publiquement. Je suis un toxicomane qui a failli détruire sa vie.

J’ai choisi la voie de l’humilité.  La voie d’assumer mes erreurs.  Je vais devoir le faire le reste de ma vie et j’accepte ce défi.  Je ne suis pas un « exemple » pour rien, ni personne dans la vie, croyez-moi.  Je suis simplement la somme de mes qualités et de mes défauts, à prendre ou à laisser.  C’est tellement bon de se sentir libre sans penser à ce que disent ou pensent les autres.  J’ai compris ceci avec les épreuves de la vie : les gens qui t’aimaient réellement vont toujours t’aimer, les gens qui disaient t’aimer vont tout simplement quitter le navire et les gens qui te détestent vont vouloir exploiter tes faiblesses.  Quand tu pars de cette approche, plus rien n’a vraiment d’importance.

Je suis heureux aujourd’hui et j’ai le goût de le crier sur les toits.  Car j’ai appris à m’aimer.  J’ai appris aussi qu’il est impossible de vivre une vie en laissant les autres t’aimer à ta place.  J’ai aussi appris une chose.  Tout ceci n’existe plus si je recommencer à consommer.  Il est là le combat quotidien pour le bonheur : s’aimer pour ne plus se détruire.  J’entreprends aujourd’hui mon 188ième jour de combat.  Le score est de 187 à 0 contre la consommation.  J’ai confiance de gagner aujourd’hui et demain est un autre combat.

Merci Soberlab !!!

Author: Philippe