Texte par Eliane Gagnon
Je suis bien consciente que je peux pas tout contrôler et que comme moi, mon enfant a déjà son chemin, sa route destinée et que peu importe ce que je vais essayer de faire ou de ne pas faire, je vais devoir lui tendre la main, simplement, quand il en aura besoin et l’élever dans ce monde.
À l’aube d’une fin d’année qui s’est avérée être la plus belle de ma vie, je vais donner naissance à mon premier enfant. Un petit bonhomme qui pousse dans mon ventre depuis 38 semaines, déjà. La vie a voulu que ça se passe rapidement pour mon amoureux et moi. On s’est retrouvés, pas tout à fait par hasard (je l’ai cherché, souvent!) après une dizaine d’années sans s’être même, croisés. À nos retrouvailles, on s’est aimés tout de suite, t’sais pis on s’est dit : « Hey, la vie est courte, procréons! » Maudite belle histoire d’amour. De cette idée merveilleuse est né le foetus de l’homme de ma vie, celui que je n’ai pas encore rencontré. J’ai hâte de faire sa connaissance, ça pas de sens! C’est difficile de mettre des mots sur le bonheur que je peux vivre à l’idée d’être la maman de ce petit être qui m’a choisie, qui nous a choisis. Ça vient vite et j’avoue que je ne sais pas trop si je suis prête, si je vais être à la hauteur et surtout, si je vais réussir à le laisser expérimenter SA vie sans toujours avoir peur qu’il soit ou devienne un comme moi et de lui avoir transmis mon alcoolisme ou disons, cette intensité démesurée, cette personnalité excessive pour ne pas dire d’addict. La génétique va certainement entrer en ligne de compte et il sera ce qu’il sera, je vais l’aimer.Ceci dit, les tempéraments d’addicts me fascinent, je les adore en fait mais je sais aussi le genre de souffrances que ça peut engendrer. Je suis bien consciente que je peux pas tout contrôler et que comme moi, mon enfant a déjà son chemin, sa route destinée et que peu importe ce que je vais essayer de faire ou de ne pas faire, je vais devoir lui tendre la main, simplement, quand il en aura besoin et l’élever dans ce monde. Il est même pas né et je me demande si toutes les émotions, les pleurs, les rires, les joies, les peurs, les doutes, les angoisses que j’ai vécues au cours de ma grossesse l’ont affecté. Déjà, un sentiment de culpabilité m’envahit. J’ai toute la vie pour me sentir coupable…ou choisir de faire de mon mieux et de me trouver bonne, belle, fine pis capable!
Mais dans mon cas, celui d’une jeune femme qui peut dire fièrement aujourd’hui qu’elle « choisi» de se rétablir d’un trouble de dépendance à l’alcool et aux drogues depuis presque trois ans, je peux dire que de ne pas consommer est presque devenu un devoir.
T’sais, je vous raconte tout ça parce que j’ai besoin de dire que d’arrêter de boire, de vouloir une vie meilleure loin des comportements destructeurs de toutes sortes et des abus de substances, c’est pas un chemin facile. J’en ai beaucoup parlé publiquement, vous le savez, et je vais continuer de le faire parce que c’est un sujet qui est encore très tabou et qui en fait souffrir plus d’uns/unes. Je suis clairement une #sobermommy parce que ça va de soi, me direz-vous. Hey, #9moissobre! Woot woot! Bravo! C’est un exploit pour beaucoup de femmes ou bien ça se fait naturellement pour certaines, ou d’autres, encore, ne sont pas capables.Mais dans mon cas, celui d’une jeune femme qui peut dire fièrement aujourd’hui qu’elle « choisi» de se rétablir d’un trouble de dépendance à l’alcool et aux drogues depuis presque trois ans, je peux dire que de ne pas consommer est presque devenu un devoir. Rester sobre pour moi, c’est le gage que mon petit coco va avoir une famille unie, éveillée, une maman à son plein potentiel humain, capable de s’occuper de lui, un jour à la fois, dans l’amour, le respect et la joie. Non, ce ne sera pas toujours joyeux, et ce ne l’est pas non plus depuis que j’ai pris cette décision, mais une chose est sûre, c’est la lucidité et la sobriété qui m’apportent tous ces cadeaux, tout ce bonheur que j’ai encore peine à accepter, à accueillir. J’ai la conviction que sans ça la sobriété, je ne serais pas qui je suis aujourd’hui. Sans la sobriété, je ne sais pas ce que je deviendrais. Je souffrirais sûrement beaucoup parce que je me rends compte à quel point le premier verre que je peux pas prendre veut parfois s’immiscer dans ma vie, de milliers d’autres façons plus destructrices les unes que les autres. C’est pas que je veuille boire un verre (je n’ai plus soif maintenant) mais c’est plutôt que mon égo, celui qui aime me voir souffrir, me fait croire des affaires tellement atroces que je suis une candidate exquise pour penser que peut-être un verre ou un joint ou n’importe quoi de mauvais pour moi, me soulagerait.
Et prendre soin de soi devrait être la priorité de toutes les futures mamans et mamans du monde. TOUTES. Et tous les papas aussi.
Mais c’est faux. Je ne laisserai pas la noirceur de ces pensées, gagner. Jamais. Je serai heureuse. Je ferai ce qu’il faut pour prendre soin de ma santé mentale, à tous les jours. Et ça devra toujours être ma priorité. Je le dis haut et fort parce qu’il faut savoir qu’on est pas seules.Et prendre soin de soi devrait être la priorité de toutes les futures mamans et mamans du monde. TOUTES. Et tous les papas aussi. On est des guerriers/guerrières et pour le rester, ça nous prend de la bonne énergie. De la sobriété pour ceux dans le besoin comme moi, de la modération pour ceux qui n’ont pas le trouble de dépendance et des prises de conscience qui font mal pour ceux qui réalisent que les abus sont en train de les détruire. Et finalement, de l’accueil et ben de l’amour pour tous les humains parce que quand on va ben, on peut soulever des montagnes et faire des bébés!
J’avais commencé ce texte en disant : « c’est extrêmement difficile de mettre des mots sur un cheminement, sur un désir sincère d’être heureux, de trouver le bonheur dans les choses simples de la vie et non dans tous les artifices et paradis artificiels que la société veut nous vendre ou nous faire croire qu’on a besoin pour être complets. » Et je trouvais que ça ne fonctionnait pas tant avec le propos du texte. Mais j’ai envie de terminer avec ça pour dire que nous sommes complets, à l’aube d’être maman, papa ou pas…Donner la vie c’est probablement le plus beau privilège du monde mais se choisir, et tout faire pour vivre une vie plus consciente, heureuse et équilibrée, c’est un cadeau que je souhaite à chacun d’entre nous.
Merci la vie.