Mes 36 ans de sobriété

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Témoignage par Luc Breton 
Parce qu’être dédouané de mes addictions ne signifie pas que je me suis engagé dans la voie de la modération dans tous les domaines de ma vie.
Aujourd’hui 15 octobre, je souligne mes 36 ans de sobriété et je franchis un nouveau cap avec cet anniversaire, celui d’avoir passé plus de la moitié de ma vie sans consommer d’alcool ni de drogues. J’ai peine à croire que tant d’années ont filé et que ma sobriété et moi avons tenu le coup. Comment aurait été mon avenir, c’est-à-dire ma vie actuelle, si je n’avais pas arrêté de consommer ? Je ne sais pas. J’ai arrêté, tant mieux! Mon instinct de survie m’a guidé en octobre 1984 et je l’ai écouté. On dit : « être gracié », je le crois.
Ma sobriété et moi sommes comme un vieux couple. Nous traversons des périodes de grande complicité et des zones de turbulences. Nous n’avons jamais eu l’intention de nous séparer elle et moi mais ciel qu’elle me tape sur les nerfs parfois. Parce qu’être dédouané de mes addictions ne signifie pas que je me suis engagé dans la voie de la modération dans tous les domaines de ma vie. Elle m’observe et commente mes faits et gestes : « Relaxes davantage sinon tu seras irritable, tu auras 70 ans dans trois mois, fais un peu d’exercice pour vieillir en forme, tu compulses dans les sucreries et tu prends du poids ». Ha! Ce qu’elle m’énerve à la longue. Mais elle a bien raison. Je dois me surveiller, mes excès sont à un jet de pierre de mes tourments et affectent ma paix d’esprit.
J’ai une pensée pour tous ces gens doublement affectés par la pandémie qui se questionnent et qui cherchent un sens à la vie sans trouver de réponses, aujourd’hui.
Ma sobriété m’accompagne, elle adoucit mon tempérament, retient mes impatiences, me rappelle que je mène une vie enviable dans ces temps de pandémie et grâce à elle j’ai redessiné les contours de ma destinée. Mais elle abdique devant certaines zones encrassées par le passé et des souvenirs d’enfance qui ont laissé des empreintes qui même après 36 ans d’abstinence continuent à me hanter et m’obligent à naviguer à vue. Le désagréable syndrome de l’imposteur et l’épuisante sensation de ne jamais être à la hauteur en sont des séquelles.
La vie est bonne pour moi, petit être d’angoisses et d’appréhensions qui sait reconnaître les dividendes de sa sobriété. Merci à celles et ceux qui m’entourent, qui sont complices de ma vie. J’ai une pensée pour tous ces gens doublement affectés par la pandémie qui se questionnent et qui cherchent un sens à la vie sans trouver de réponses, aujourd’hui. Je n’oublierai jamais cette période pré-sobriété où j’ai expérimenté l’errance dans ma tête, la désolation, la dépression. Je vous porte dans mon cœur et vous souhaite sincèrement de trouver vous aussi votre voie et de faire de votre sobriété une alliée.