Cher Milan…

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J’ai toujours voulu avoir un enfant, toujours. En fait, c’était un de mes plus grands rêves !

Mon cher Milan, mon cher garçon adoré.

En fait, je ne sais pas par où commencer en t’écrivant cette lettre. Depuis ta naissance, tu m’as vue parfois pleurer, souffrir sans jamais comprendre tout à fait ce qui se passait. Un jour, tu m’as dit : “Maman quand je serai grand, je serai un super héros ! Je pourrai sauver le monde et guérir la souffrance qu’il y a dans ta tête et dans ton coeur, car les super héros ont tous les pouvoirs”. J’ai tellement pleuré. Je me disais, moi qui veux t’épargner mes souffrances, j’avais l’impression de te les transmettre.

J’ai toujours été une personne anxieuse, j’avais un peu peur de tout et de moi-même.

J’ai commencé à être comédienne vers l’âge de 14-15 ans. Je travaillais beaucoup et dans ma tête je n’avais pas le droit à l’erreur. Je devais être parfaite en tout temps. C’est bien sûr seulement moi-même qui mettais une telle pression. On me disait que j’étais belle et je voulais l’être partout, tout le temps. Je me sentais si vide à l’intérieur que je me disais que ma beauté me sauverait de tout. Dès qu’on voulait mieux me connaître, je fuyais automatiquement car je croyais que je n’avais rien de bien à offrir. J’ai souffert d’anorexie de 14 à 20 ans, c’était ma façon à moi de tout contrôler. Ne pas manger était pour moi une façon de me punir. Voilà quelque chose de plus gros que moi qui venait de prendre possession de mon âme.

J’ai toujours voulu avoir un enfant, toujours. En fait, c’était un de mes plus grands rêves ! Donc tu imagines lorsque j’ai su que j’étais enceinte de toi, j’étais si heureuse ! J’ai entendu battre ton petit coeur pour la première fois et déjà j’étais folle de toi, petite vie qui grandissait en moi. Durant les 41 semaines que je t’ai porté en moi, car oui tu as tardé un peu à venir au monde! Tous les soirs je te parlais, je te faisais écouter de la musique et je me disais, ça y est, tous mes problèmes sont guéris, je vais donner la vie !

Tu es né le 19 Juillet 2008 à 20h14. Oui, je te donnais la vie et tu sauvais la mienne.

Dieu que je t’ai dorloté et je remerciais la vie tous les jours d’avoir un enfant heureux et en santé avec tous tes sourires qui me faisaient craquer !

Un soir, le 24 Septembre 2010 j’ai décidé de mettre fin à mes jours.

Environ 8 mois après ta naissance, j’ai recommencé à faire des crises de panique, ce que je faisais déjà beaucoup avant ma grossesse. Je ne comprenais pas, pourtant tout allait bien, mais ces crises persistaient et je suis tombée dans une profonde dépression. Ne plus dormir, être de plus en plus anxieuse, me détester, m’isoler ….l’enfer tournait autour de moi. Deux ans de torture mentale. Tranquillement, je sentais le goût de la mort.

Malgré tous les efforts que je m’efforçais de faire, je préférais être seule pour ne pas alarmer personne. Un soir, le 24 Septembre 2010 j’ai décidé de mettre fin à mes jours. Je voulais enlever le poids énorme sur les épaules des gens que j’aimais et surtout, je ne voulais pas que tu me vois souffrir. Je t’ai écrit une lettre disant à quel point je t’aimais, que je voulais que tu grandisses dans un bel environnement où le bonheur règne et que moi je n’avais pas la capacité de t’offrir ce bonheur.

J’étais seule à la maison et je criais, hurlais ma souffrance, j’avais l’impression que mon sang bouillait dans mes veines. Je sais, c’est très difficile à comprendre un mal de vivre et j’en voulais à tous ceux qui ne comprenaient pas, mais j’en voulais surtout à moi-même ! Donc le soir du 24 Septembre 2010, pour moi c’était la fin…

Je vais t’éviter les détails mais lorsque les ambulanciers et policiers sont arrivés à la maison, papa et toi êtes arrivés au même moment. Tu voyais que ça n’allait pas et juste avant que je quitte la maison, tu m’as tendu tes petits bras et tu m’as dit « maman » en pleurant. J’ai craqué.

J’avais un besoin d’amour intense. Je voulais être aimée, mais même être aimée n’était pas assez.

J’étais dans l’ambulance, étourdie par tout se qui venait de se passer j’étais encore assez consciente pour avoir honte et je me suis mise à pleurer tout doucement. Je me disais : “Mais voyons, qu’est-ce que tu as fait ? Tu ne peux pas quitter ton fils !”. Moi qui tout le long de ma grossesse, te parlais en te promettant de t’aimer, de prendre soin de toi, de te protéger toute ma vie ! Je ne pouvais pas t’abandonner!

A l’hôpital, j’étais aussi verte que ma jaquette et j’avais honte, mais honte et j’avais si mal! Une douleur, une souffrance qui ne se décrit pas.

En voyant, médecins/psychologue/psychiatre, je me suis dit: “Véro, c’est là ou jamais !”  Je voulais vivre mais je ne voulais plus souffrir. J’ai décidé de me prendre en main. Tu étais ma motivation, mon roc. Pour toi, je déplacerais des montagnes.  Pour toi, je guérirais promis!  Et c’était parti!

Malheureusement, ce que je ne savais pas, c’est que nous ne sommes pas à l’abri des rechutes. C’est encore très difficile à expliquer avec des mots, mais je me sentais comme un puit sans fond. La tristesse et le manque d’estime…  L’ennemi venait me rencontrer de nouveau.

J’avais un besoin d’amour intense. Je voulais être aimée, mais même être aimée n’était pas assez. Ce n’était jamais assez, je voulais l’amour passionné des amitiés qui ne se défont jamais. Je me détestais d’une telle force que je provoquais le rejet des autres et je me confirmais, de cette façon, qu’effectivement je n’en valais pas la peine. Je vivais le paradoxe dans tous les aspects de ma vie.  Et j’ai rencontré “LA RECHUTE”. La vraie, celle qui ne demande pas, mais entre dans ta vie et te tue de douleur. Mais là tu es là, je ne peux PAS mourir ! Je devais trouver une solution  mais une fois de plus, j’ai choisi la mauvaise. J’ai commencé à me mutiler : je me punissais ainsi.  C’était comme si en me mutilant, je faisais sortir tout le mal qui prenait place en moi. Chaque coup, chaque égratignure, ceux-ci portaient un nom, une souffrance. Bien sûr je faisais ça lors de nuits de grosses douleurs. Une nuit, tu m’as entendue pleurer, tu es venu voir en bas dans la salle bain ce qui se passait et tu as vu.  Tu as vu ce que j’essayais de te cacher. Et dans tes magnifiques yeux bleus, j’ai vu la peur, la tristesse. Encore une fois, la honte m’a envahie jusqu’aux entrailles. Tu es allé chercher tes pansements “BATMAN” et tu m’as dit: “Tiens maman, prends les tous, tu sais ces pansements-là peuvent guérir tous les bobos.”Et tu allais chercher ta doudou en me disant : “Elle me fait du bien à moi, alors elle va te faire du bien aussi.» Mon coeur a lâché.

On ne choisit pas d’avoir le cancer, on ne choisit pas de vivre avec une maladie mentale.

J’ai re-crashé assez intensément lorsque j’ai perdu un bébé, une petite étoile dans le ciel qui aurait pu être ton petit frère ou ta petite sœur et à qui je parle encore tous les soirs. J’ai vécu une telle détresse psychologique, que la souffrance prenait encore une fois, toute la place. J’ai mis des gens que j’aime à bout de moi. À la moindre chicane, au moindre abandon, je tombais de plus belle. Dans ces moments-là, je ne me reconnais plus. Je demande pardon, pardon pour tout, pardon d’exister. Et je cherche encore tout l’amour du monde. Je cherche à comprendre, mais surtout à me comprendre. Moi qui ne veux  jamais blesser personne et veux toujours aider. Je suis allée au bout des tolérances des gens que j’aimais. Heureusement, tu le sais, j’ai des gens extraordinaires dans ma vie qui sont encore là.

Alors j’ai dû me retrousser les manches, malgré la mort à l’âme. Je me suis reprise en main mais cette fois-ci je voulais que ce soit la bonne. J’avais mes ressources. Personne à part moi-même pouvait me sauver. Thérapies intenses, mais plus vraies. Je racontais tout à mes médecins, ne cachais plus rien! Quand on veut vraiment s’en sortir, nous devons prendre toutes les ressources à notre disposition et surtout être honnête et en premier, être honnête envers nous. C’est le plus beau cadeau que l’on puisse s’offrir. J’ai compris beaucoup de choses sur mes comportements et le travail que j’avais à faire. La vie n’est pas parfaite, c’est sûr !  Je ne peux pas changer mon passé et je ne peux pas contrôler les pensées des autres. Je ne peux qu’être moi-même et décider de ce que je veux, ce qui est bien pour moi. Je dois arrêter d’avoir peur. Je dois accepter mes faiblesses et pousser mes forces et que tout ça, ça fait partie de moi, de mon histoire, de ce que je suis.

Si tu savais comme j’en voulais aux gens qui ne comprenaient pas. Je leur disais : “Pensez-vous vraiment qu’on choisit de vivre comme ça ?!?!!  Que j’ai du plaisir à souffrir et à faire souffrir les autres ?!?!!” Moi aussi je veux être heureuse, je n’ai qu’une seule vie à vivre. On ne choisit pas d’avoir le cancer, on ne choisit pas de vivre avec une maladie mentale. Surtout, la maladie ne nous définit pas. Elle se traite et nous pouvons avoir une vie saine et heureuse. À tous les jours, j’essaie de devenir une meilleure personne. J’ai de plus en plus de compassion et d’empathie, comme toi, qui en a tellement depuis que tu es tout petit. Nous avons beaucoup discuté, toi et moi. Tu m’as posée des questions. Nous avons eu de beaux échanges. Tu as cette belle intelligence émotive.

J’avais un rêve : celui d’avoir un enfant. Et la vie m’a donné le meilleur pour me faire grandir et devenir meilleure!

J’avais envie de t’écrire cette lettre pour qu’un jour en lisant ceci, tu puisses peut-être avoir d’autres réponses à certains questionnements. J’aimerais tant te protéger de tout, mais ce n’est pas comme ça que la vie fonctionne et tu le sais bien, déjà. Je te vois interagir avec tes amis et le petit garçon que tu deviens me rends si fière. Je carbure à ta bonne humeur, à ton positivisme, à ton grand coeur, à ton désir d’apprendre et à ta façon de voir la vie. Je te vois être fier de tes bons coups et te dire que les moins bons, ce n’est pas la fin du monde. Je te vois aider les autres, partager et aimer. Et tu sais quoi ? À chaque fois, je me dis que j’ai bien fait de choisir la vie, car je te vois grandir et t’entendre me dire que ta maman est forte, que je suis la meilleure maman du monde. T’entendre me dire que tu m’aimes à l’infini, ça n’a pas de prix. Tu es ma boule d’amour, mon rayon de soleil. Et moi aussi, je t’aime à l’infini.

Sache que je serai toujours là pour toi, pour te guider du mieux que je peux. Lorsque ça n’ira pas, ne t’isole jamais, ce n’est pas la solution. Sois fier de tout ce que tu es dans les bons comme dans les moins bons moments. Quand on choisit de bien s’entourer, de parler et de faire confiance aux bonnes personnes, on a déjà des bons pas de fait dans la vie.

Merci mon beau Milan d’amour.

Merci de me faire voir la vie différemment !

Merci d’être tout ce que tu es. Un bel être humain.

J’avais un rêve : celui d’avoir un enfant. Et la vie m’a donné le meilleur pour me faire grandir et devenir meilleure!

Je t’aime mon ti-Mil pour la vie!

Maman ❤️❤️❤️

Author: Véronique Bannon