Rêve ou cauchemar?

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Texte par Patrick Nadeau

Ce rêve, il vient de la nuit la plus sombre, la nuit la plus triste et la plus lonely de ma vie et il a su s’immiscer dans tous les autres rêves qui ont suivis.

Plus jeune, ma maman me disait toujours, lorsque je me réveillais en pleurs la nuit et que j’accourais à sa chambre afin d’être rassuré : « Ne t’en fais pas, mon petit chat. Les rêves sont parfois de grandes choses, parfois de petites histoires, mais saches que toujours, tu en gardes le contrôle. Il suffit de sentir ce contrôle, de l’apprivoiser, et tu pourras voler au-dessus des gratte-ciels ou plonger dans les profondeurs des océans, pourvu que tu le désires vraiment. »

Dans la plupart de mes rêves, depuis ma jeune enfance, j’ai le contrôle. J’ai le pouvoir, après quelques minutes à vivre des aventures rocambolesques bombardées par le subconscient de mon cerveau un peu trop intense, de m’arrêter une micro seconde et de me dire : « Hey, toé là, tu rêves, pourquoi pas faire whatever the f*ck you want? ». Vous savez, le pouvoir que tout le monde a déjà rêvé d’avoir, une fois éveillé ; celui qui nous permettrait de devenir invisible, de lire les pensées des gens, de voler au-dessus de l’océan, de déplacer des voitures que par la force de notre pensée? Une bonne couple de films de super héros tournent autour de ce concept, et clairement, ils ont mis le doigt sur le désir profond d’une bonne couple de personnes. Ce pouvoir, dans mes rêves, je le possède, je le côtoie depuis des années et j’ai appris à le maîtriser afin de faire de n’importe quel scénario, la réalité dont j’ai envie. Dans la plupart de mes rêves, depuis ma jeune enfance mais pas dans celui-là, celui dont j’ai envie de parler.

Comme tous les rêves qui peuplent nos nuits, il débute tout d’abord sous une forme latente, douce, plein de bonne volonté.

Ce rêve, il n’a aucune couleur, aucune odeur, aucune émotion, aucune beauté. Il ne laisse aucun souvenir au réveil, car je n’en sors jamais complètement. Il se mêle à mes autres rêves, se mêle à ma vie éveillée et a même le culot de s’entremêler avec les désirs les plus profonds qui m’habitent, les relations humaines les plus précieuses qui me définissent. Ce rêve, il n’est pas vraiment un rêve mais il l’est juste assez pour que je l’oublie à mon réveil. Il est juste assez réel pour prendre le contrôle du pilote automatique de mes décisions, tout en gardant sa nature intangible qui le rend si difficilement compris, autant de moi-même et des gens qui m’entourent. Il est juste assez bénéfique qu’il ne semble pas une menace ni pour mes priorités ni pour mes projets tout en étant assez malsain pour avoir le pouvoir de faire foirer both mes priorités et mes projets. Ce rêve, il vient de la nuit la plus sombre, la nuit la plus triste et la plus lonely de ma vie et il a su s’immiscer dans tous les autres rêves qui ont suivis. Un rêve dans d’autres rêves, ça sonne fucked up, mais ne vous en faites pas, depuis Inception, je crois que tout le monde peut comprendre ce concept sans nécessairement encaisser les maux de tête potentiels qui pourraient suivre.

Malheureusement, la consommation est beaucoup plus sournoise que mon cerveau un peu trop intense.

En fait, ce rêve n’est pas vraiment un rêve. Comme tous les rêves qui deviennent récurrents et qui se remontent le bout du nez rouge à répétition, nuit après nuit, année après année, il est né d’une « angoisse intense ou un problème important [qui] encombre notre esprit[,] [et] notre inconscient nous invite à le libérer ». Oui, je viens de citer un site web de psychologie dans un billet de blogue : c’est ça que ça nous apprend, l’université. Et afin de le libérer efficacement, il est nécessaire de lui donner un beau petit name tag: la consommation. Comme tous les rêves qui peuplent nos nuits, il débute tout d’abord sous une forme latente, douce, plein de bonne volonté. Il nous fait ressentir de belles émotions, nous fait vivre de belles expériences, nous fait découvrir de nouveaux horizons. Il nous permet de survoler temporairement le quartier dans lequel nous habitons, nous désinhibe assez afin de coucher avec les partenaires que nous désirons, nous pousse à repousser plus loin nos limites. Puis, soudainement, tout bascule. Dans mes rêves, il existe toujours un point de non-retour durant lequel mon subconscient me lance l’alerte ultime, celle qui me fait réaliser que mon doux rêve se transforme tranquillement en un cauchemar dans lequel je perds le contrôle.  Malheureusement, la consommation est beaucoup plus sournoise que mon cerveau un peu trop intense. Cette alerte n’est souvent pas envoyée, ou n’est tout simplement pas écoutée. Le doux rêve plein de bonne volonté devient peu à peu le cauchemar que l’on tente d’éviter. Puis petit à petit, le rêve nous quitte, et le cauchemar prend sa place, omniprésent à travers nos habitudes de sommeil. Toutefois, tout ce que ça prend, c’est un instant de lucidité, un instant de : « Hey, où en suis-je rendu dans mon rêve, est-ce que je me dirige vers la noyade en pleine mer ou suis-je encore capable de reprendre le contrôle et de m’envoler au-dessus du Pacifique, aux côtés des goélands marins »?

Plus jeune, ma maman me disait toujours, lorsque je me réveillais en pleurs la nuit et que j’accourais à sa chambre afin d’être rassuré : « Ne t’en fais pas, mon petit chat. Les rêves sont parfois de grandes choses, parfois de petites histoires, mais saches que toujours, tu en gardes le contrôle. Il suffit de sentir ce contrôle, de l’apprivoiser, et tu pourras voler au-dessus des gratte-ciels et plonger dans les profondeurs des océans, pourvu que tu le désires vraiment. »

Et ce n’est qu’une fois que cette réalité nous apparaît plus éclatante que tous les rêves endormis que nous avons pu vivre, que le vrai combat contre la consommation peut commencer.

C’est aujourd’hui, à l’âge plus qu’adulte, que je réalise que ses mots étaient empreints d’une sagesse infinie. Car il est facile de se laisser bercer par ses rêves et par ses pires cauchemars, mais il ne suffit que d’un instant de lucidité afin de saisir pleinement la portée des possibilités qui s’offrent à nous. Un instant et une profonde dose de courage. Ce rêve éveillé qui nous berce depuis les fêtes d’enfant et les tourments de l’adolescence, qui nous guide à travers tous les malheurs de notre vie de simili-adulte, ce cauchemar de consommation qui nous fait sentir que nous n’avons pas le contrôle s ur le doux rêve de notre vie et que le scénario est déjà scripté, pleins de faiblesses et de crashs plus difficiles les uns des autres il n’est plus nécéssaire. Il ne suffit que d’une étincelle afin que notre conscience réalise la main de fer que nous avons sur la réalité qui nous entoure, sur la réalité qui est la nôtre. Et ce n’est qu’une fois que cette réalité nous apparaît plus éclatante que tous les rêves endormis que nous avons pu vivre, que le vrai combat contre la consommation peut commencer.

Le défi 28 jours sans alcool est, à mes yeux, autant une belle initiative de sensibilisation qu’un combat pour les gens atteints de dépendance à l’alcool. Et comme toutes les dépendances, la première étape est de réaliser la présence de l’éléphant dans la pièce. Certaines personnes nécessiteront un évènement négatif majeur afin de réaliser l’étendue du problème dans leurs vies. Toutefois, il existe des méthodes beaucoup plus simples, moins difficiles à vivre : un mois sans boire, par exemple. Vous réaliserez rapidement à quel niveau se situe votre dépendance à la consommation d’alcool, traduite directement par la difficulté que vous aurez potentiellement à refuser de boire dans les soirées festives et l’anxiété que ces soirées pourront causer en vous. La sensibilisation peut commencer par nous-même, individuellement, afin de bien cerner le problème que peut devenir la consommation. C’est un beau défi, ne le rejetez pas du revers de la main si rapidement. Alors, êtes-vous game de tenter ce défi, de vérifier si vos habitudes de consommation penchent du côté du rêve, ou du côté du cauchemar?