La rechute

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Texte par Alexandre Octeau

J’attendais de l’aide depuis huit semaines pour me faire dire que je vais bien.

Ça fait trois à quatre mois que je suis enfermé dans mon logement ; je vis sur mon sofa, je me fais livrer une pizza sur la carte de crédit de mon père à tous les deux, trois jours.

Je dors le jour et je vis la nuit : il y a moins de chance qu’on veuille me voir la nuit.

La sonnette de ma porte me fait peur, alors je l’ai débranchée. Quand on cogne à la porte, je me cache sous ma couverture et j’arrête de respirer en attendant que ça arrête.

La dernière fois qu’on y a cogné, la porte s’est ensuite ouverte et derrière, se trouvait la police. Ils se sont annoncés et moi je suis resté sous ma couverture, j’ai fait semblant de dormir, ils m’ont réveillés et ont demandé si j’allais bien.  Je me lève en imitant quelqu’un qui vient de se réveiller, pas trop difficile à faire vu mon état semi-comateux. Dehors, je vois mon ex-femme, la mère de mes enfants. Elle pleure. C’est elle qui les a appelés.

Je dis que je vais bien, que je dormais simplement. Mais je vois bien qu’ils ne me croient pas. Ils m’offrent de m’emmener à l’hôpital.  Je refuse, ça donne rien parce que je sais que mon trouble n’est pas seulement psychiatrique.

J’y suis déjà allé à l’hôpital. Après une attente de huit semaines pour voir un psychiatre, il m’a dit de prendre des vitamines et de continuer à prendre les mêmes médicaments que je prends déjà. Selon lui, j’ai un trouble Borderline, personnalité limite.  Il me dit aussi que j’ai une obsession de séduction. Selon lui, j’ai tenté de le séduire lors de notre rencontre. Je lui parle de mes pensées suicidaires mais je n’ai pas agi selon ces pensées parce que j’ai mes garçons qui sont mon ancre, qui me rattache à cette existence. Je lui raconte même mes épisodes de psychose quand j’étais ado. Aucune réaction ou commentaire. J’attendais de l’aide depuis huit semaines pour me faire dire que je vais bien.

Cela fait maintenant cinq ans que je suis sobre.

Ça fait sept à huit mois que j’ai recommencé à boire et consommer ma drogue de choix. La chute a été rapide, on m’a décrit la rechute une fois comme ceci : un char qui a 230 000 kilomètres au compteur, tu le laisses dans ta cour et le reconduis après un an, le char a toujours 230 000 kilomètres, ta maladie de la dépendance c’est la même chose, tu recommences ou tu t’es arrêté.

Cela fait maintenant cinq ans que je suis sobre. Qu’est-ce que j’ai fait de différent? Je n’ai pas pris ce premier verre, aussi simple que cela.

Mon dernier premier verre je l’ai pris parce que je me sentais seul, j’avais déménagé loin de mes points de repère, pour être près de mes enfants.

Je n’ai pas connecté avec les membres des réunions auxquels je vais à toutes les semaines, je n’ai pas cherché un parrain.

J’ai laissé les problèmes reliés à la garde parentale m’affecter. Je ne comprenais pas pourquoi c’était si dur de bien s’entendre.

Plusieurs de mes démons ont ressurgi, ceux que je n’avais pas osé affronter, lors de mon séjour de trois mois en thérapie fermée.

Mais le temps ne s’arrête pas et je vais continuer de rechercher cet instant de paradis artificiel pendant huit mois, jusqu’au jour où je me pointe au centre pour un meeting et que je demande de l’aide à nouveau.

Ma puissance supérieure a même tenté de m’empêcher de rechuter. Alors que je marchais vers ce bar miteux, je suis passé devant un meeting, les fenêtres sont ouvertes et j’ai entendu la prière de la sérénité. Je l’ai ignorée et j’ai continué mon chemin d’un pas déterminé. Je me suis dis : “je veux juste rencontrer du monde et prendre une bière tranquille.”

Rendu au bar, j’ai commandé une bière et un shooter. Le déclic a été instantané, Mr. Hyde a pris le contrôle, les fils se sont touchés, j’ai scanné la pièce pour trouver qui pourrait me trouver ma drogue de choix. Quinze minutes plus tard, je suis dans les toilettes, je suis de retour en enfer et je souris, la tête en arrière, adossé au mur crasseux. Je suis bien, je veux que le temps s’arrête. Mais le temps ne s’arrête pas et je vais continuer de rechercher cet instant de paradis artificiel pendant huit mois, jusqu’au jour où je me pointe au centre pour un meeting et que je demande de l’aide à nouveau.

Ce même soir, j’ai rencontré ce que je cherchais, une femme un peu comme moi. Coup de foudre. En un même soir, toutes mes dépendances étaient comblées, le vide était rempli.

Elle était mariée, avait un enfant et elle me disait qu’elle était victime de violence conjugale, un passé rempli de douleur, on se comprenait. Elle allait le laisser pour moi, ce qu’elle a fait pendant une semaine ou deux. Mais elle a ensuite choisi de retrouver sa famille. Je l’ai laissé jouer au yo-yo avec mon coeur, mais ça c’est pour une autre histoire.

Si tu ne trouves pas le courage de demander de l’aide, pense à l’enfant qui vit en toi, fais-le pour lui. Il ne demande qu’à être écouté.

La rechute peut être mortelle. Merci mon Dieu, j’en suis sorti vivant. Trop de gens n’ont pas cette chance. Oui ma rechute m’a appris beaucoup de choses sur moi. Elle m’a fait grandir, mais ces choses, il reste que j’aurais pu les apprendre autrement.

Toi aussi, tu le peux, si tu as eu le courage de demander de l’aide.Écoute et fais ce qu’on te suggère. L’humilité sera ton meilleure allié pour finalement atteindre le bonheur. Je te promets qu’il n’est pas artificiel celui-là. Il demande de l’entretien, mais il existe. Je l’ai construit un jour à la fois et plus jamais je le laisserai à l’abandon.

Si tu ne trouves pas le courage de demander de l’aide, pense à l’enfant qui vit en toi, fais-le pour lui. Il ne demande qu’à être écouté.