Plume et poing

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Dans le monde pugilistique, on entend souvent la sempiternelle: « Si je n’avais pas boxé, je serais devenu un vanupied, un tôlard ou un cadavre ». Stéréotype ou non, c’est tout de même vrai dans mon cas.
J’ai tenté de mettre fin à mes jours au jeune âge de 15 ans. Je n’aimais plus la vie. La drogue chimique, l’alcool et les antidépresseurs constituaient un très mauvais mélange…et un cocktail parfait d’autodestruction. J’avais d’ailleurs un doctorat en autodestruction.

Après deux réanimations cardiaques et trois jours de coma, je me suis enfin réveillé pour apercevoir ce qui me semblait être un ange; c’était plutôt une magnifique infirmière aux yeux d’un vert émeraude.
Ce sont ces yeux, mon instinct de survie et la boxe qui m’ont permis de poursuivre mon chemin et de devenir qui je suis aujourd’hui.

Flashback

Mon premier contact avec les sports de combat a été bref – dans un style traditionnel qui ne me convenait pas du tout, le karaté shotokan – et ponctué d’une disqualification à ma première et seule compétition. Je n’avais que 7 ans.
Mon père, alors un karatéka dévoué, voulait que j’apprenne un art martial dans le but de me défendre contre les voyous qui me volaient mon dîner et mes G.I Joe, s’amusant à me faire la vie dure tous les jours à l’école. C’est ce qui arrive quand tu es le plus petit du carré de sable. Comme je me suis servi de mes apprentissages pour me faire respecter, on m’a exclu du cours.

J’ai enfilé des gants de boxe pour la première fois deux ans plus tard, à Noël.

Chaque année, nous nous réunissions en famille chez ma grand-mère, dans mon village natal de Napierville, près de la frontière américaine. Il y avait chez elle un « ravalement », soit une grande garde-robe qui reliait les chambres entre elles, espace typique aux maisons irlandaises de mon coin de pays. Cet endroit servait de débarras.

Ce Noël-là, mon cousin et moi y avons trouvé un disque 45 tours de John Lennon (celui avec la célèbre chanson Imagine), de même que de vieux gants de boxe bruns qui appartenaient à l’un de mes oncles dans ses jeunes années.
Ces gants m’ont servi de défouloir. Mouton noir de la famille, les mauvais coups étaient toujours sur mon dos… Mon cousin, un an plus vieux et plus grand d’au moins une tête, a eu la lèvre fendue, gracieuseté d’un crochet de gauche.
Ce coup, je l’avais emprunté à Mike Tyson, qui était mon boxeur favori : j’avais regardé la majorité de ses combats à la télévision (ESPN Classics et autres) et passé d’interminables heures à tenter de le vaincre sur la vieille console Nintendo, au jeu Mike Tyson Punch Out.

« À cette époque, vous n’aviez pas besoin de chercher le trouble… parce que le trouble, c’était moi. »

Par la suite, mise à part pour les nombreux « casques-gants » accomplis dans diverses chambres de hockey de la province (une pratique courante où les hockeyeurs se « cognent dans le casque » jusqu’au K.-O.) et quelques bagarres de rues, je n’ai remis des gants de boxe que lors d’une fête foraine : un ring gonflable, des gants géants… et un autre K.-O. rapide.

Puis, alors que j’avais 15 ans, mon oncle, un colosse de 200 livres, fidèle adepte de combats ultimes et spécialiste de jiu-jitsu, a voulu me tester, sachant que je m’étais mêlé à de nombreuses batailles. Avec mes 121 livres et un direct de droite impardonnable, je l’ai envoyé au tapis (du salon)! Le verdict: fracture du nez.

15 ans à peine et tant de rage. Je n’aimais plus la vie. J’ai voulu partir, mais Dieu en a voulu autrement.

Deuxième round

Retour de l’hôpital. La DPJ ne sait trop quoi faire d’un adolescent problématique qui fugue, change aussi souvent d’école que de chemise et passe le plus clair de son temps à risquer sa vie et à se battre. À cette époque, vous n’aviez pas besoin de chercher le trouble… parce que le trouble, c’était moi.

Mon oncle (celui qui a eu le nez en compote) ainsi que plusieurs connaissances et amis de la famille ont conseillé à mes parents, exaspérés de mes comportements houleux et dangereux, de m’inscrire à la boxe en raison de mes instincts belliqueux.

Curieux hasard, un club de kickboxing était en recrutement. Quand j’ai vu l’annonce dans le journal local, j’ai su que c’était ce que je voulais.

C’est avec ma chevelure marginale orange et pas particulièrement à jeun, armé d’un jean défraîchi et d’une témérité assumée que je me suis présenté au gymnase d’un dénommé Gaétan Pelletier, à Saint-Jean-sur-Richelieu. Ce dernier, un pionnier du kickboxing au Québec, est par la suite devenu un ami et un guide.

L’entraînement et le sens d’appartenance au gymnase ont créé chez moi des buts et des motivations qui m’ont poussé à laisser derrière les nuits festives, tentations propres aux adolescents libertins et toxicomanes. Un transfert s’est progressivement orchestré de la délinquance au sport de combat. Consommer n’était plus une option si je voulais être performant et gagner. C’est au gymnase que je dépensais mon énergie, qu’elle soit bonne ou mauvaise.

Après quelques combats devant des foules combles, j’ai remporté un Championnat canadien ainsi que la Coupe Iceman, qui m’a été remise en personne par le grand Jean-Yves Thériault.

La perte de popularité du kickboxing au profit des arts martiaux mixtes et de la boxe a réduit considérablement mes perspectives de combat, si bien qu’après quelques duels non sanctionnés (pas de catégories de poids, pas de casque et coups aux jambes autorisés), j’ai décidé de me tourner exclusivement vers la boxe.

Occupé par mes études au Cégep, j’ai débuté mon périple en boxe olympique au vieux club du père Hilton sur le boulevard Monk dans le Sud-Ouest de Montréal. Sympathique bougre, lui et son champion de fils Matthew ont su modifier et modeler mon style, malgré le fait que je ne m’entraînais qu’à temps partiel.

Un an plus tard, de retour dans mon patelin sous les couleurs du club de boxe Perfecto, je remontais dans l’arène, remportant les Gants d’argent et quelques combats locaux.

Le Club de boxe Saint-Hyacinthe, les entraîneurs Marc Seyer, Laszlo Marien et Alain St-Amand, ainsi que le solide boxeur Sébastien Demers m’ont ensuite donné l’entraînement, les outils et les connaissances nécessaires pour faire de moi un guerrier redoutable, si bien que je suis devenu champion du Québec classe ouverte avec seulement 7 combats de boxe olympique à mon actif.

« Que ce soit de vivre de la boxe ou encore de boxer chez les professionnels, on m’avait toujours dit que je ne réussirais jamais. Je leur ai fait un pied de nez en osant croire en moi. »

Les années ont passé, j’ai étudié et connu plusieurs personnes qui m’ont permis d’évoluer. Je n’ai jamais vraiment arrêté de boxer, même durant mes études à Jonquière en ATM (Arts et technologies des médias).

Après ce diplôme, ma vie professionnelle a bien débuté. Tout s’est fait étape par étape : stage et passage au Journal Métro et au Journal 24h, journaliste sportif à l’Agence QMI, chroniqueur de boxe au Journal de Montréal et présences en ondes à LCN, RDS, 98,5 et 91,9 Sports.

Aujourd’hui encore je travaille dans mon domaine. J’ai même couvert mon sport en Thaïlande, à Las Vegas, New York, Atlantic City, Washington, Toronto. Il y a bien sûr eu des périodes plus creuses, mais je n’ai jamais abandonné.
Toujours dans cet esprit de persévérance, j’ai réalisé un vieux rêve le 19 décembre 2014 en disputant un combat de boxe professionnel. Et il n’était pas question de perdre! J’ai profité de l’opportunité pour réaliser ce que je considère être ma plus belle prestation dans un ring de boxe et j’ai remporté mes débuts chez les pros.

Que ce soit de vivre de la boxe ou encore de boxer chez les professionnels, on m’avait toujours dit de ne pas le faire, que je ne réussirais jamais. Mais j’ai bravé et fait fi des mauvaises langues. Je leur ai fait un pied de nez en osant croire en moi. Et je pense que c’est le plus important dans tout ça : croire en soi, croire en ses rêves… et apprendre à s’aimer, avec ses défauts et qualités.

Author: Vincent Morin

Un boxeur qui est devenu journaliste, qui s’est plongé dans sa passion pour remplacer des comportements destructeurs.