5 ans sans fumée plus tard

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Texte par Eliane Gagnon

Et mon mode de vie se résumait à la privation pour mieux pouvoir compulser par la suite…sans trop de remords. Du moins, pas trop de remords pendant la soirée. Les lendemains, c’est toujours une autre histoire, n’est-ce pas ? 

Pour la simple et unique raison que je n’ai pas envie de republier le même texte que l’an passé, je me donne comme mission d’en écrire un autre pour célébrer le fait qu’aujourd’hui, le 5 octobre 2018, je peux encore souligner cette journée, celle où j’ai enfin compris que la fumée de ma cigarette adorée allait me tuer. Dramatique, la petite. Oh que oui, le drame fait partie de moi, je l’aime, je le savoure et même parfois, je m’y complais. Et je n’ai pas peur de le crier haut & fort. Je n’ai pas peur non plus de dire qu’à l’époque où je fumais, buvais, sniffais et où je faisais “toutes les temps”, je pouvais me réveiller au petit matin en crachant de drôles de substances, ayant de la difficulté à respirer, me percevant comme déchet de la société, ayant qu’une seule idée en tête : “c’était la dernière fois…” Et de recommencer quand mes poumons et mon âme avaient repris du poil de la bête. T’sais le genre de lifestyle vraiment pas sain mais que comme c’est tout ce que je connaissais, je me félicitais surtout d’avoir été capable de pas fumer ni boire pendant 5 jours. Un exploit. Et mon mode de vie se résumait à la privation pour mieux pouvoir compulser par la suite…sans trop de remords. Du moins, pas trop de remords pendant la soirée. Les lendemains, c’est toujours une autre histoire, n’est-ce pas ?

Je suis esclave. Ça fait dur mon affaire.De la volonté…Est-ce que c’est vraiment ce que ça prend pour arrêter ?

Ceci dit, le 5 octobre 2013, c’était une de ces lendemains-là. La tête dans le cul, en l’occurence, la mienne et la douleur dans la gorge aussi dérangeante que le trou dans mon coeur. J’avais mal. J’ai le vague souvenir que je me réveille à 18h le soir avec un craving de poulet du COQ pis je me dis que c’était ma dernière, cuite, cigarette…peu importe…la dernière. J’en suis à mon 1201e essai de sevrage avec la cigarette, mon 759e avec l’alcool et sans doute mon 452e avec la cocaïne. Genre. Si je relis mes nombreux journaux, ça doit ressembler à ça. La vie est bien faite, je n’ai plus de clopes et de toute façon, mes bronches me crient que c’est la fin de ma carrière de fumeuse. Et Dieu sait qu’au fond de moi, j’ai un sincère désir d’arrêter de fumer, de ne plus me tuer à petit feu comme ça. Je suis pas conne, je sais bien que c’est du poison. Je suis accroc, y’a pas d’autres mots. Accroc à l’illusion que ça me détend, accroc au goût indescriptible qui me laisse toujours une haleine atroce, surtout quand je fume dehors, l’hiver. Y’a rien de bon dans le tabac mais je me fais croire que oui, que ça m’aide à être moins stressée, à gérer mon anxiété peut-être? Fausses croyances par-dessus fausses croyances, le résultat est toujours le même : j’essaye d’arrêter mais je suis incapable. J’arrête de m’acheter des cigarettes un jour sur deux et je quête à tout bout d’champs. Je suis esclave. Ça fait dur mon affaire. De la volonté…Est-ce que c’est vraiment ce que ça prend pour arrêter ?

Pour tout dire, j’ai gardé une cigarette dans mon coffre à gant pendant plus d’un an.

Je connais des gens qui ont failli laisser leur peau ou qui sont en train de la laisser qui répètent jour après jour, le même geste meurtrier. Et ce, au réveil, avant d’avoir mangé. Je ne les juge pas. Je sais exactement ce que c’est. Je l’ai fait et refait et refait jusqu’à ce fameux jour-là…le 5 octobre 2013. Et ce jour-là, je sais pas ce qui s’est passé mais ma volonté s’est transformée en détermination, en désir de vouloir gagner CONTRE la cigarette. Pas me battre, mais gagner. Je n’ai pas la moindre idée comment le décrire…et j’espère arriver avec ces mots-là parce que j’aimerais tellement que ça puisse aider une personne qui souffre de cette dépendance. Je vous jure, j’ai tout essayé. De l’hypnose à la méthode facile pour arrêter de fumer de Allen Carr, au défi j’arrête j’y gagne, à boire 3 litres d’eau par jour, manger des graines de tournesol, des carottes, tout ce qui est possible de penser…et de manger! Tout! Fou.

Le déclic? La liberté. Ma liberté, plus précieuse que tout. La même chose que pour l’alcool. Ne plus vouloir être contrôlée par une substance, être plus forte que la dépendance. Ça prend de l’orgueil et probablement une bonne petite shot de courage.Pour tout dire, j’ai gardé une cigarette dans mon coffre à gant pendant plus d’un an. Je la gardais tout près, comme un enfant cache sa suce, au cas où j’aurais besoin d’elle. Mais cette tactique a eu un effet extraordinaire sur mon mental, c’est comme si ma tête me disait :«  Tu as le droit de fumer, t’sais, personne ne t’empêche… tu es pas vraiment en train de te priver, tu peux fumer. Mais tu as aussi le droit de t’aimer assez pour ne plus jamais t’empoisonner. » Et j’ai peine à croire que ça fait 1865 jours sans tabac, que j’ai économisé près de 12 000$ en cigarettes et surtout, que mes petits poumons seront bientôt roses comme quand j’ai commencé à m’intoxiquer « steady » à l’âge de 12 ans. Fou.

La cigarette, ce n’est plus une option. Il y a des tonnes de raisons pour fumer…mais y’en a encore de bien meilleures pour ne pas fumer. La première…ta vie. TA VIE. Tu mérites plus que des shots de goudron dans gorge. C’est pas juste moi qui le dis, tout le monde qui t’aime aussi.

Donne-toi la chance. Un petit pas à la fois!

Avec tout mon amour…et une haleine soooooo fresh!

Eliane x